Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Temple ? Elles avaient, dans leur silence, tout ce qu’avaient dans la bouche les violents révolutionnaires, la haine de l’autre parti, la vengeance, une sombre fureur contre le dogme opposé…

Marat, allant avant le jour surveiller ses colporteurs, comme il aimait à le faire, rencontrait sa propriétaire, une femme riche et âgée, qui déjà était dans la rue : « Ah ! je te vois, disait-il, tu reviens de manger Dieu… Va, va, nous te guillotinerons. » Il ne lui fît aucun mal[1].

À la Noël de 1792, il y eut un spectacle étonnant à Saint-Étienne-du-Mont. La foule y fut telle que mille personnes restèrent à la porte et ne purent entrer. Cette grande foule s’explique, il est vrai, par la population des campagnes, qui de la Noël à la Sainte-Geneviève, du 25 décembre au 3 janvier, vient faire la neuvaine. La châsse de la patronne de Paris est à Saint-Étienne. Nulle autre, on le sait, n’est plus féconde en guérisons miraculeuses. Point d’enfants infirmes, aveugles, tortus, que les mères n’apportent ; beaucoup de femmes de campagne étaient venues, on peut le croire, dans l’idée, le vague espoir que la patronne pourrait bien faire quelque grand miracle.

Chose triste que tout le travail de la Révolution aboutit à remplir les églises ! Désertes en 1788, elles sont pleines en 1792, pleines d’un peuple qui prie contre la Révolution, contre la victoire du peuple !

  1. C’est la vieille propriétaire elle-même qui l’a conté à M. Serres, le célèbre physiologiste, dont je tiens l’anecdote.