Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/310

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derniers outrages, lorsqu’on jetait sur eux des ordures, qu’on crachait sur eux, il leur échappa des cris de fureur, d’imprudents appels à la vengeance des départements… Et alors on crut les saisir en flagrant délit de fédéralisme ; on ne douta plus, on voulut leur mort, on eut soif de leur sang.

La Montagne pouvait les tuer, mais elle ne devait pas souffrir qu’on les outrageât. La représentation nationale, insultée en eux, n’était-elle donc pas avilie en tous ?

La fureur de la Montagne contre les fédéralistes fut si aveugle, si voisine de la rage et de l’épilepsie, qu’elle ne vit pas elle-même qu’elle tombait à chaque instant dans l’hérésie politique qu’elle reprochait à ses adversaires. Si le fédéralisme est l’esprit de démembrement, d’isolement, d’exclusion, n’était-ce pas un fédéralisme de gouverner toute la France par la violence d’une ville ? que dis-je ?… dans cette ville même, d’accepter la souveraineté d’une section contre le tout, comme ils le firent tant de fois ? On trouvait bon, par exemple, que la section des Cordeliers se fît apporter les registres des tribunaux, censurât les jugements. Les quelques sectionnaires qui venaient à chaque instant donner à la Convention les ordres de la multitude étaient (les procès-verbaux en témoignent) délégués par des minorités minimes. La partie commandait au tout, une partie imperceptible. C’était, dira-t-on, la partie patriote, bien intentionnée. Mais enfin cette partie, gouvernant ainsi le peuple, n’en donnait pas moins