Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/32

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le mode de vente et la division infinie. Les parties coupées en parcelles, les parcelles en atomes, et presque pas un qui n’en eût. Des millions d’hommes, directement ou non, de près, de loin, et sans le vouloir même, étaient dans cette glu : si ce n’était comme acquéreurs, sous-acquéreurs, associés, intéressés, c’était comme prêteurs, créanciers, débiteurs, comme parents enfin, comme héritiers lointains, possibles. Foule effroyable en nombre, non moins en force, en passion, en détermination de protéger les siens. En toucher un, c’était les toucher tous. Un procès à un acquéreur eût fait sortir de terre plus d’hommes que l’invasion. Des intérêts sensibles à ce point, mêlés, enchevêtrés ainsi, étaient bien forts, inattaquables. Une révolution fondée là dedans était solidement fondée. Représentez-vous une forêt énorme, mais une forêt vivante et si vigoureuse qu’en peu de temps tous les arbres ont mêlé, tressé à la fois branches, rameaux et racines, poussé les uns dans les autres, de sorte que l’œil ne trouve plus entre eux ni jour ni séparation. Viennent sur la forêt tous les orages du monde, on les défie de l’arracher.

Mais justement parce que la création nouvelle était mêlée et compliquée, on la comprenait moins ; on n’y voyait que le hasard, le désordre extérieur, on n’y distinguait pas l’ordre profond que la nature cache au fond de ses œuvres. On s’effrayait précisément de la complication du phénomène, et c’est elle qui faisait sa force.

Les politiques criaient : « Nous périssons. » Le