Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/33

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paysan riait. Il n’eut pas un moment de doute. Il ne lui vint jamais l’idée ridicule que l’Ancien-Régime put se rétablir.

Pour revivre, avait-il vécu ? Fut-il jamais un être ? Misérable damier de cent pièces gothiques, il n’avait rien d’organisé. Il était hors nature, si fort contre nature, qu’à peine détruit, le lendemain, on n’y pouvait plus croire. Il avait déjà reculé dans le passé, dans le monde des chimères ; c’était comme un mauvais rêve pendant une longue nuit. Ce carnaval de moines, blancs, bruns, gris, noirs, de gens d’épée poudrés, frisés, portant des manchons de femmes, du rouge et des mouches, était fini, et bien fini ; le jour était revenu, les masques partis. C’était chose peu vraisemblable que toute l’Europe s’entendît, dépensât quelques milliards, un million d’hommes peut-être pour ramener les capucins.

Fainéant ! c’est la rude malédiction de l’homme de travail, le mot dont il appuie sur la bête paresseuse, dont il admoneste l’âne récalcitrant ou le mulet indocile. Fainéant ! tu ne travailles pas ! eh bien, tu ne mangeras pas ! C’est son sermon ordinaire. Et c’est aussi la formule d’excommunication dont il usa en lui-même pour exproprier tout l’Ancien-Régime.

Que les fainéants revinssent jamais encombrer la terre de leur inutilité, il ne put jamais le croire. Que la propriété, rendue à son créateur primitif, au travail, lui fût ôtée encore, retombât aux mains des indignes, cela lui semblait monstrueux. Il avait, en instinct, cette maxime au cœur : Propriété oblige.