dans sa mort. Cet homme héroïque, austère, né noble et très riche, sacrifia dès sa jeunesse son repos et sa fortune au triomphe d’une idée, l’affranchissement de l’Amérique espagnole. Il n’y a pas d’exemple d’une vie si complètement dévouée, systématisée tout entière au profit d’une idée, sans qu’un seul moment fût donné jamais à l’intérêt, à l’égoïsme. Dès son enfance, il fait venir à grands frais, près de lui, en Espagne, les premiers maîtres, les hommes et les livres, malgré l’Inquisition. Il s’en va étudier par toute l’Europe, aux États-Unis, sur tous les champs de bataille. Mais il lui faut une armée. Il la demande à l’Angleterre, à la Russie, qui l’accueillent ; 1789 a sonné, il se donne à la France. Nous allons voir le sort qui l’y attendait[1].
Dumouriez, qui l’a indignement calomnié, est obligé pourtant d’avouer le mérite rare et singulier du général espagnol. Personne n’avait plus d’esprit ; personne n’était plus instruit. Quant au courage, s’il n’avait pas la brillante initiative de nos militaires français, il eut au plus haut degré la fermeté castillane, et cette noble qualité était fondée sur une autre, bien glorieuse, la force et la profondeur de sa foi révolutionnaire. Dans la malheureuse panique de l’armée de Dumouriez, quand les fameuses Thermopyles de l’Argonne, dont il disait être le Léonidas,
- ↑ Il se trompa en Vendémiaire, combattit la Convention. Mais il concourut à la délivrance de l’Amérique, tout vieux qu’il était, combattit près du jeune Bolivar. Par le plus cruel acharnement de la fortune, au moment de la victoire, il fut livré à l’Espagne par une faction américaine, et mourut lentement, en quatre années, dans les cachots de Cadix.