Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/356

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Dans les réunions qu’ils eurent ensemble chez eux et chez lui, ils le trouvèrent en opposition complète avec leurs idées. Il voulait la défensive sur le Rhin, l’offensive en Hollande. Eux, tout le contraire. Il prétendait qu’il aurait le temps d’escamoter la Hollande avant que les puissances se fussent éveillées. Eux, ils croyaient avec raison qu’il serait prévenu par la Prusse et par l’Autriche, qu’il serait forcé sur la Meuse. Ils lui refusèrent trois mois cette invasion de Hollande, qu’il ne pouvait faire qu’en divisant ses forces, en découvrant la Meuse et Liège, c’est-à-dire en perdant tout, comme il arriva.

Pendant longtemps, Brissot voulut ménager l’Angleterre. Il connaissait très bien l’histoire de ce pays et savait combien le peuple anglais est resté dupe, en réalité, de sa fausse révolution[1]. Il eût étouffé, ce peuple, si l’aristocratie ne lui eût donné le change en lui ouvrant toutes les mers. Brissot croyait, selon la raison, selon la logique, que les Anglais saisiraient l’occasion de la Révolution de France pour accomplir enfin la leur. Il raisonna parfaitement, et il se trompa.

Un autre raisonnement de Brissot, fort spécieux, était celui-ci : « Les peuples qui ont eu le bonheur de faire déjà la révolution religieuse ne peuvent être ennemis de la révolution politique : donc les Anglais,

  1. Brissot a été accusé d’être admirateur des Anglais. Rien n’est moins exact. Il disait à chaque instant, en parlant de telle ou telle institution funeste : « Et voilà ce qui a perdu l’Angleterre. — Sous quelle latitude s’est-elle perdue ? » lui répondit-on. (Ét. Dumont, Souvenirs.) — Un bon mot n’est pas une raison.