Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/368

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encore). Qu’était devenu l’élan du départ de 1792 ? Était-ce le même Paris ? Et y avait-il un Paris ? Tout l’hiver, l’absence absolue de commerce et de travail, le froid, la faim, toutes les misères, avaient miné, énervé cette population infortunée. Chose plus grave ! Septembre avait porté un coup à l’âme. Toutes les alternatives du procès du roi, le plaidoyer intérieur qui s’en faisait dans chaque famille, les gémissements des femmes, avaient atteint le moral d’un bien grave ébranlement.

Le 9 pourtant au matin, quand de tous les points de la ville on vit aux tours de Notre-Dame le sinistre drapeau noir ; quand, à la maison commune, on vit se déployer au vent l’étendard déjà historique du Danger de la Patrie, l’étendard des volontaires de Valmy et de Jemmapes, Paris se retrouva encore. Il y eut un souffle encore dans les poitrines maigries, une larme dans les yeux creusés. Ceux qui n’avaient pas mangé se trouvèrent rassasiés, et ceux qui n’avaient pas bu se trouvaient comme ivres. L’attitude du faubourg Saint-Antoine fut admirable, héroïque. Le faubourg ne descendit point dans Paris, ne fît point de cris inutiles. Loin de participer aux troubles, il offrit le 11 mars une garde à la Convention. Il s’occupa uniquement du danger public ; il avait le cœur à la frontière, et son unique pensée fut d’armer en hâte. Recevoir les noms qui s’offraient en foule, équiper les volontaires le moins mal qu’on le pouvait, tous les petits arrangements de famille que cause un brusque départ, les adieux, les poi-