Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/379

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sept mille il n’en vint pas un. Morillon eut le courage d’entrer seul, de sa personne, sans appui que quelques gardes nationaux, dans ces sombres manoirs où se tramait la révolte. Il trouva, il exhuma, avec le cadavre de La Rouërie, la liste des conjurés, qu’on avait mise en un bocal et cachée au fond de la terre. Toute la Bretagne noble était là, et elle fut prise. La liste, ouverte et publiée, jetait dans la révolte armée tout un monde de nobles forcés de combattre ou de périr. Ils attendaient un nouveau chef, le vaillant Malseigne, la meilleure épée de l’émigration. Ils attendaient une flotte qui leur apporterait les émigrés de Jersey. Un secours plus sûr encore leur venait de la réquisition qui devait commencer le 10, et qui, d’avance, le 4, avait déjà fait couler le sang à Cholet, dans la Vendée. Morillon, seul et perdu dans une mer de paysans furieux, montra un courage indomptable. Il arrêta de sa main vingt-trois prisonniers, les recéleurs de la liste, et, avant le 10, les jeta, dans Saint-Malo. — Mais le 10 même, au matin, qui le savait à Paris ? Il était bien plus à croire que Morillon en Bretagne, Legendre à Lyon, avaient péri, que la contre-révolution avait vaincu aux deux extrémités de la France.

La situation, on l’a vu, était terrible en Belgique. On avait à craindre non pas seulement la retraite, mais l’anéantissement de l’armée. Elle eût eu lieu sans la lenteur du général Cobourg, qui ne sut profiter ni de ses troupes légères, les terribles hus-