Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/410

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Une chose montre assez combien cet homme remarquable était supérieur à ses maîtres.

Le clergé, depuis quatre ans, malgré sa violence et sa rage, n’entraînait pas encore les masses. Plus furieux que convaincu, il ne trouvait pas les machines simples et fortes qu’il fallait pour atteindre, remuer la fibre populaire. Les bulles proclamées, commentées, n’y suffisaient pas ; le pape qui est à Rome semblait loin de la Vendée. Les miracles agissaient peu. Tant simple que fût ce peuple, il y a à parier que plusieurs avaient des doutes. Ces fourberies troublaient les uns, refroidissaient les autres. Cathelineau imagina une chose naïve et loyale, qui fit plus d’impression que tous ces mensonges. C’était qu’aux processions où l’on portait la croix, les paroisses dont les curés avaient prêté le serment ne portassent leur Christ qu’enveloppé de crêpes noirs.

L’effet fut immense. Il n’y avait pas de bonne femme qui ne fondit en larmes, en voyant le Christ ainsi humilié, qui souffrait la Passion une seconde fois !… Quel reproche à la dureté, à l’insensibilité des hommes qui pouvaient endurer cette captivité de Notre-Seigneur !… Et les hommes s’accusaient aussi. Ils se renvoyaient les reproches. C’était entre les villages une occasion de rivalité et de jalousie. Ceux qui avaient cette honte de n’oser montrer leur Christ à visage découvert étaient conspués par les autres comme des villages de lâches qui souffraient la tyrannie.

On ne voit pas que Cathelineau ait remué dans