Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/457

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clamation autrichienne, il ne savait plus lui-même ce qu’il devait faire, s’il trahirait Dumouriez ou bien la Convention. Il vint la nuit tâter les trois régiments arriérés. Quel pouvait être le but de cette mystérieuse visite ? Le caractère bien connu du personnage le fera deviner sans peine. Selon les dispositions qu’il leur eût trouvées, il eût essayé de se mettre à leur tête et se fût donné le mérite de les avoir amenés ou d’un côté ou de l’autre. S’il les ramenait en France, un tel acte effaçait d’un coup ses rapports avec Dumouriez, portait sa popularité au comble. Tous auraient dit : « Pendant que la Convention le mettait hors la loi, il rendait l’armée à la France. » Il fût rentré, non pas absous, mais glorieux et par un arc de triomphe, comme le héros du patriotisme et de la fidélité.

L’attitude morne et défiante des trois régiments rendit la démarche inutile. La mise hors la loi sous laquelle était le jeune Égalité les intimida sans doute ; assez inquiets pour eux-mêmes, ils n’eurent garde de prendre un chef si suspect. Il ne lui restait que l’exil ; il passa aux Autrichiens, non pour suivre Dumouriez ni s’attacher à la fortune d’un homme perdu sans retour, mais seulement pour prendre un passeport, emmener sa sœur et Mme  de Genlis, les conduire en Suisse, et lui, s’isoler, se faire oublier pendant quelque temps, se refaire en quelque sorte par l’oubli complet.

Sa meilleure chance était d’attendre les événements, de dénouer peu à peu tous les liens qui