Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/46

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à l’intérieur. C’était une tête ardente, inventive, un peu romanesque. Chassé de Genève en 1782 pour son républicanisme exalté, il voulait alors fonder une colonie, une société nouvelle, désespérant de l’ancienne ; cette colonie se fût établie en Irlande ou en Amérique. Dans cette dernière pensée, il envoya, à ses frais, Brissot aux États-Unis pour étudier le terrain. Mais la Révolution, qui éclata bientôt, lui montra dans la France un bien autre champ pour ses expériences politiques et financières. Clavières fut comme le Law de la Révolution ; il inventa les assignats, donna son invention aux constituants, à Mirabeau, qui la mirent en valeur. Il eut dès lors pour ennemis tous ceux qui, avant ces billets, émettaient des billets eux-mêmes, les gens de la Caisse d’escompte, corps puissant où figuraient plusieurs fermiers-généraux. Il eut en même temps contre lui nombre de banquiers politiques, êtres équivoques, amphibies, qui, comme consuls, agents des gouvernements étrangers à différents titres, menaient de front hardiment les intrigues et les affaires. Nommons en tête le ministre des États-Unis, Governor Morris, intime ami des Tuileries, donneur d’avis infatigable, témoin haineux de la Révolution, dont il exploitait les crises à la Bourse. On a publié ses lettres. On peut y lire son regret au massacre du Champ de Mars : c’est qu’on ait si peu tué. Il avoue hautement (17 mai 1791) la légitimité de la dette des États-Unis, les conditions onéreuses auxquelles la France emprunta pour