Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/47

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leur prêter. En septembre 1792, au moment où la France, près de périr, poussa aux Américains son gémissement d’agonie, leur demandant comme aumône une partie de cet argent qui jadis les avait sauvés, Morris refusa froidement d’autoriser le payement en donnant sa signature.

Tous ces joueurs à la baisse avaient hâte de voir la Révolution sombrer, s’enfoncer, et, comme les vers qui minent un vaisseau de ligne, ils tâchaient, à fond de cale, de percer un trou. Le ministre des finances, battu de la presse conjurée, de Marat et autres, était travaillé par en bas de ces dangereux insectes. Clavières donnait prise aux attaques ; tout au rebours de Brissot, de Roland, qui allaient avec des habits râpés et limés au coude, Clavières se plaisait dans le faste. Mme Clavières, envieuse du génie de Madame Roland, la primait au moins par le luxe. À la voir trôner aux salons dorés où figurait naguère Mme Necker, on eût pu croire que rien n’était changé, qu’on était encore en 1789, la veille des États-généraux.

La rapide décomposition de la Gironde éclatait à tous les yeux. Elle avait été un parti tant que l’élan de la guerre (contre le roi, contre l’Europe), au commencement de 1792, la poussa d’ensemble, lui donna unité d’action, sinon d’idée. Après le 10 août elle présenta des fractions, des groupes, disons mieux, des coteries, qui furent retenues ensemble par la haine de septembre et des fureurs de la Montagne. Ces groupes mêmes offraient des diversités