Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/485

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la Convention, la Gironde eût pu partager, si elle l’avait voulu. Elle s’abstint entièrement et, par là, livra d’avance sa vie à ses ennemis.

Ce tribunal ressemblait à la chambre de Robespierre, où son portrait reproduit sous vingt formes, se voyait partout. Le président, c’était lui, dans le doux Herman, d’Arras, son ami, à qui il confia les prisons de la Terreur. Le vice-président, c’était lui, dans le Franc-Comtois Dumas, qu’il avait fait venir ici et qui devint par lui la colonne des Jacobins. Ceux dont il refit la Commune, quand il la purgea plus tard, étaient là déjà (Payan, Coffinhal). Son fanatique admirateur, le peintre Topino-Lebrun, idolâtre de Robespierre (jusqu’à lui tuer Danton !), siégeait pour lui au tribunal. Sa maison, pour parler ainsi, ses familiers, ses ombres, qui l’escortaient, qu’on voyait toujours avec lui, son imprimeur Nicolas, son hôte Duplay, étaient jurés révolutionnaires.

On voit ici combien Robespierre (avec si peu de courage physique) eut le courage d’esprit. Le poste du plus grand danger, de toute la République, c’était le tribunal révolutionnaire, et il s’y mit tout entier ; il en accepta par la présence de ses amis la responsabilité complète, se livrant, lui et eux d’avance, aux échafauds, aux poignards, aux menaces du destin. Qui d’entre eux partant le matin pour le Palais de justice, ayant embrassé sa famille, était sûr de la revoir ? Le sang de Lepelletier, de Basville, fumait encore.