Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/72

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bien pu se tourner contre son père et créateur, mordre sa nourrice.

Donc Robespierre restait tranquille à sa place, tirant les mannequins parlants et ne parlant pas. À peine dit-il un mot le 3 octobre, et un mot le 5. Le 3, on parlait de lui pour le faire maire de Paris : « Non, dit-il, nulle force humaine ne me ferait quitter la place de représentant du peuple. » Le 5, on parlait d’envoyer aux sociétés affiliées le nom des députés revenus aux Jacobins, pour leur dénoncer indirectement ceux qui ne revenaient pas. Robespierre, avec une modération que tout le monde admira, demanda l’ordre du jour : « toute mesure coercitive étant, disait-il, indigne d’une société d’hommes libres ». La société trouva que Robespierre avait trop bon cœur et trop de facilité ; elle ne l’écouta pas et elle envoya les noms.

Sa douceur et sa patience éclatèrent encore, lorsqu’un membre ayant osé dire que la députation de Paris déshonorait la capitale, Robespierre calma la fureur des Jacobins et demanda, pour toute peine, l’ordre du jour et le mépris.

Cette conduite porta ses fruits. Robespierre, sans même parler, frappa, par Collot et d’autres, le coup décisif qu’il méditait depuis longtemps, l’exclusion de Brissot et sa condamnation solennelle par la société, avec une publicité immense, plus meurtrière que n’eût été le mandat d’arrêt, dressé le 2 septembre, pour le mettre à l’Abbaye. Quelles