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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/73

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qu’aient été les fautes de Brissot, son esprit remuant, inquiet, son ardeur à remplir toutes les places de ses amis, sa crédulité misérable pour La Fayette et Dumouriez, on est confondu pourtant en lisant l’adresse que les Jacobins lancèrent, et qui, envoyée à deux ou trois mille sociétés jacobines, lue par elles à la tribune, répétée de bouche en bouche, multipliée ainsi en proportion géométrique, dut arriver, en huit jours, à la connaissance à peu près d’un million d’hommes, tous désormais convaincus qu’une cause examinée de si près par l’incorruptible était décidément jugée, tous condamnant sans examen et jugeant à mort, sur la parole de Caton.

Il n’y a aucun exemple, dans la mémoire des hommes, d’une pièce si calomnieuse. Jamais la fureur de l’esprit de corps, le fanatisme monastique, l’ivresse de confrérie s’animant à huis clos, et, de degré en degré, marchant sans contradiction dans la calomnie jusqu’aux limites de l’absurde, n’ont trouvé choses semblables. Brissot, entre autres crimes, a méchamment rédigé la pétition républicaine du Champ de Mars, pour donner aux royalistes l’occasion d’égorger le peuple. La Gironde a calomnié, avant le 10 août, les fédérés des départements, — accusation vraiment étrange, effrontée, impudente même, qui montre jusqu’où les rédacteurs comptaient sur la crédulité des Jacobins de province. Qui ne savait que c’était la Gironde qui avait appelé en juin vingt mille fédérés, et que,