Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/90

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avait à toute chose une grâce de fierté austère, au ménage comme au clavecin ; qu’elle aidât sa mère au hangar, pour laver ou pour préparer le repas de la famille, c’était toujours Cornélia.

Robespierre passa là une année, loin de la tribune, écrivain et journaliste, préparant tout le jour les articles et les discours qu’il devait le soir débiter aux Jacobins ; — une année, la seule, en réalité, qu’il ait vécue en ce monde.

Mme Duplay trouvait très doux de le tenir là, l’entourait d’une garde inquiète. On peut en juger par la vivacité avec laquelle elle dit au comité du 10 août, qui cherchait chez elle un lieu sûr : « Allez-vous-en ; vous allez compromettre Robespierre. »

C’était l’enfant de la maison, le dieu. Tous s’étaient donnés à lui. Le fils lui servait de secrétaire, copiait, recopiait ses discours tant raturés. Le père Duplay, le neveu, l’écoutaient insatiablement, dévorait toutes ses paroles. Mlles Duplay le voyaient comme un frère ; la plus jeune, vive et charmante, ne perdait pas une occasion de dérider le pâle orateur. Avec une telle hospitalité, nulle maison n’eût été triste. La petite cour, avivée par la famille et les ouvriers, ne manquait pas de mouvement. Robespierre, de sa mansarde, de la table de sapin où il écrivait, s’il levait les yeux entre deux périodes, voyait aller et venir de la maison au hangar, du hangar à la maison, Mlle Cornélia ou telle de ses aimables sœurs. Combien dut-il être fortifié, dans