Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sa pensée démocratique, par une si douce image de la vie du peuple ! Le peuple, moins la vulgarité, moins la misère et les vices, compagnons de la misère ! Cette vie à la fois populaire et noble, où les soins domestiques se rehaussent de la distinction morale de ceux qui s’y livrent ! La beauté que prend le ménage, même en ses côtés les plus humbles, l’excellence du repas préparé par la main aimée !… Qui n’a senti toutes ces choses ? Et nous ne doutons pas que l’infortuné Robespierre, dans la vie sèche, sombre, artificielle, que les circonstances lui avaient faite depuis sa naissance, n’ait pourtant senti ce moment du charme de la nature, joui de ce doux rayon.

Il reste bien entendu qu’avec une telle famille, offrir une pension, un dédommagement, était impossible. Je juge qu’il en fut ainsi, d’après le reproche qu’un Jacobin dissident fît un jour à Robespierre : « d’exploiter la maison Duplay, de se faire nourrir par eux, comme Orgon nourrit Tartufe », reproche bas et grossier d’un homme indigne de sentir la fraternité de l’époque et le bonheur de l’amitié. Si Robespierre se hasarda d’offrir quelque chose, nul doute qu’il n’ait été rudement réprimandé de Monsieur et de Madame, et boudé des filles ; à coup sûr, il n’y revint plus.

On peut s’étonner d’une chose, c’est qu’une telle année, passée ainsi, n’ait pas considérablement modifié son caractère, adouci son cœur. Chose inattendue ! ce fut le contraire.