Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/175

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que le Théâtre-Français désormais nommé Théâtre du Peuple, serait mis en réquisition trois fois par décade pour donner des représentations patriotiques et que, ces jours-là, on y entrerait avec des marques, distribuées par les municipalités, qu’il en serait de même dans toutes les villes où il y aurait spectacle[1].

La chose, mise en train pendant l’affaire hébertiste, produisit, comme on pouvait le croire, une diversion immense. Le peuple, dans l’enthousiasme de ces représentations, fortement chauffées d’esprit militaire, de tam-tam, tambours, trompettes et poudre à canon, fut sans peine désintéressé du journal et de la tribune, et supporta patiemment la mort de son journaliste.

Oublieux public ! sa mort fut une espèce de fête. On fut curieux de voir quelle figure le Père Duchesne, qui avait tant parlé de guillotine, allait faire, y comparaissant lui-même en propre personne : ce fut encore un spectacle. Dès le matin, la spéculation s’en mêla ; charrettes, bancs, échafaudages, tout se prépara pour faciliter cet agréable spectacle. La place devint un théâtre ; on paya cher pour rester là debout tout le jour à attendre. Tout cela loué, crié avec d’étranges plaisanteries. Autour une espèce de foire, les Champs-Élysées peuplés, riants, avec les banquistes, les petits marchands ; un gai et fort soleil de mars. Seulement, à voir les prix auxquels on payait les places, à voir

  1. Archives. Registres du Comité de salut public, 20 ventôse an II.