du jour, les humiliations, les duretés, les légèretés barbares, ces supplices d’une âme blessée, au prix desquels elle soutenait son mari, sa famille, diminuant les haines par sa patience, charmant les colères, peut-être retenant le fer suspendu. Mais Condorcet était trop pénétrant pour ne pas deviner toute chose ; il lisait tout sous ce pâle sourire dont elle déguisait sa mort intérieure. Si mal caché, pouvant à tout moment se perdre et la perdre, comprenant parfaitement tout ce qu’elle souffrait et risquait pour lui, il ressentait le plus cuisant aiguillon de la Terreur. Peu expansif, il gardait tout, mais haïssait de plus en plus une vie qui compromettait ce qu’il aimait plus que la vie.
Qu’avait-il fait pour mériter ce supplice ? Nulle des fautes des Girondins.
Loin d’être fédéraliste, il avait, dans un livre ingénieux, défendu le droit de Paris, démontré l’avantage d’une telle capitale comme instrument de centralisation. Le nom de la République, le premier manifeste républicain, avait été écrit chez lui et lancé par ses amis, quand Robespierre, Danton, Vergniaud, tous enfin hésitaient encore. Il avait écrit, il est vrai, ce premier projet de constitution, impraticable, inapplicable, dont on n’eût jamais pu mettre la machine en mouvement, tant elle est chargée, surchargée de garanties, de barrières, d’entraves pour le pouvoir, d’assurances pour l’individu.
Le mot terrible de Chabot que la constitution