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Chénier, mit son veto à la pièce. Cette tragédie d’un frère immolant un frère tyran parut trop propre sans doute à faire des Charlotte Corday. Jullien prit adroitement le moment où le tyran reçoit la couronne et cria : « C’est abominable !… La pièce ne peut pas se jouer », etc. Père et fils, les deux Jullien, c’était Robespierre lui-même. Le fils, garçon de vingt ans que nous avons vu à Nantes, était alors à Bordeaux et, sans titre, trônait hardiment dans les fêtes sur un siège égal à celui du représentant du peuple. Les amis de Chénier lui dirent qu’il était un homme perdu, s’il ne sacrifiait sa pièce. Bon gré mal gré, ils le menèrent au Comité de sûreté, et là ce pauvre homme fît ce qu’avait refusé Desmoulins (disant : « Brûler n’est pas répondre » ). Chénier ne répondit pas, mais il brûla et vécut.

Quelque docile et résignée que fût la Convention, elle montrait sa désapprobation en se donnant pour présidents les membres du Comité les moins agréables à Robespierre, la trinité des travailleurs, Lindet, Carnot et Prieur, opposés à la trinité des robespierristes. Ils présidèrent six semaines, chose d’autant plus marquée que c’était l’entrée en campagne, époque d’un travail excessif pour ces dictateurs de la Guerre. Ce fut justement le 7 mai, le soir du fameux discours religieux de Robespierre, que l’Assemblée mécontente porta Carnot à la présidence.

Robespierre, pour forcer la main à la Convention, fit appuyer sa loi par les deux voix menaçantes