Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/315

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tion et les musiciens, deux mille cinq cents personnes, envoyées des sections, mères et filles, pères et fils, en écharpes tricolores, qui devaient chanter l’hymne à l’Être suprême. Au plus haut, une colonne était chargée de trompettes, dont la voix perçante dirigeât, annonçât les mouvements dans l’espace immense. L’hymne chanté, le coup d’œil fut un moment ravissant. Les filles jetèrent des fleurs au ciel, les mères élevèrent leurs petits enfants, les jeunes gens tirèrent leurs sabres et reçurent la bénédiction de leurs pères. L’artillerie qui tonna associait ses voix profondes à l’émotion du peuple. Robespierre, arrivé le premier avec le fauteuil où l’on portait Couthon, s’était trouvé par cela même au plus haut de la Montagne, et la Convention sous ses pieds. Cette circonstance, fortuite peut-être, décida l’explosion. Au retour, la crainte céda à la fureur de la haine. Bourdon le rouge, travaillé de rage intérieure, semblait un démon. Merlin (de Thionville) se retrouvait le Merlin des champs de bataille, parlait fort et haut. Ces mots, jetés dans les airs, de Brutus, ou de Tarquin, ou de roche Tarpéienne, s’entendaient trop bien du peuple. L’irritation de l’Assemblée gagnait les rudes sans-culottes qui se trouvaient dans la foule. L’un d’eux dit tout en un mot : « Le b… ! il n’est pas content d’être maître ! il lui faut encore être dieu ! »

Le plus violent coup de théâtre, c’est qu’un des représentants articula sans ambages, près de Robespierre, de manière à être entendu de lui, de