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Restait le frère de Robespierre. C’est par lui qu’on trouva prise.

Robespierre jeune, avocat, parleur facile et vulgaire, homme de société, de plaisir, ne sentait pas assez combien la haute et terrible réputation de son frère demandait de ménagements[1]. Dans ses missions, où son nom lui donnait un rôle très grand et très difficile à jouer, il veillait trop peu sur lui. On le voyait mener partout, et dans les clubs même, une femme très équivoque.

Il avait vivement embrassé, par jeunesse et par bon cœur, l’espoir que son frère pourrait adoucir la Révolution. Il ne cachait point cet espoir, ne tenant pas assez compte des obstacles, des délais qui ajournaient ce moment. En Provence, il montra de l’humanité, épargna des communes girondines. À Paris, il eut le courage de sauver plusieurs personnes, entre autres le directeur de l’économat du clergé (qui plus tard fut le beau-père de Geoffroy-Saint-Hilaire).

Dans la précipitation de son zèle anti-terroriste, il lui arriva parfois de faire taire et d’humilier de violents patriotes qui s’étaient avancés sans réserve

  1. Il hasardait pour son frère une propagande audacieuse et maladroite, montrant aux officiers de Toulon des lettres de Robespierre, où il déplorait les excès des commissaires de la Convention ; lettres probablement fabriquées. Robespierre était très prudent, écrivait très peu de lettres et bien moins sur de tels sujets. Celles que Robespierre jeune écrivait du Jura à son frère semblent l’avoir été sous la dictée des aristocrates et dans leur style habituel : « Il existe un système d’amener le peuple à niveler tout ; si on n’y prend garde, tout se désorganisera », etc. Cela écrit le 3 ventôse ; au moment où l’on tuait Danton pour avoir voulu enrayer, on voulait enrayer soi-même.