Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/381

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croyaient que le salut de la France tenait au seul Robespierre, que le salut de Robespierre tenait à ce qu’il prît le pas sur les terroristes, l’avant-garde de la terreur. Donc encore un peu de terreur ! pas beaucoup de sang !… Tout était fini. Les comités guillotinés, la Convention épurée, Robespierre allait fonder une république de Berquin et de Florian, commencer ici l’âge d’or, inaugurer le paradis, où tout ne serait que douceur, tolérance et philosophie, où les loups, désapprenant leurs appétits sanguinaires, paîtraient l’herbe avec les moutons.

Pour préparer cet Éden, il fallait d’abord, il est vrai, quelques centaines de têtes. L’avocat général d’Arras, Herman, imposait ce sacrifice à la sensibilité de son cœur. Ce qui l’adoucissait pourtant, c’est qu’après tout ces gens ne seraient que guillotines. Les magistrats d’Ancien-Régime, faits à brûler, rompre et pendre, regardaient la guillotine comme chose indifférente ; c’était, dans leur opinion, comme si l’on mourait dans son lit, — un peu plus tôt il est vrai ; — mais enfin il faut mourir.

Pour choisir les trois cents tètes qu’il fallait se procurer, ils s’adressaient à l’homme qui les avait servis dans l’affaire du 2 avril, à l’administrateur de police Wiltcheritz, attaché au Luxembourg. Wiltcheritz était un étranger, cordonnier de son état, qui avait été adopté par le parti robespier-

    ou numéraire, les assignats étant au pair) pour chaque prisonnier. Tous avaient du vin.