Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/444

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de l’éloquence ! Eh ! qui vous empêche, vous autres, d’essayer d’être éloquents ?

Avec un sentiment étonnant de sa force et de sa grandeur (la dignité de celui qui sait qu’on ne repousse pas la main d’un héros qui l’offre), dans un combat si terrible, au milieu d’une lutte à mort, il attestait… l’amitié !

Que voulait-il, que demandait-il ? Ce que tout le monde demandait, l’atténuation de l’arbitraire des Comités, spécialement que tout acte portât la signature de six membres (c’était abdiquer le triumvirat). Il notait avec bon sens ce rôle de ministre, qui absorbait Lindet, Carnot, les confinait dans l’administration et les éloignait du gouvernement. Il blâmait Carnot, Gollot et Billaud, mais avec modération, disant : « Les membres que j’accuse ont commis peu de fautes… Je ne conclus pas contre eux ; je désire qu’ils se justifient et que nous devenions plus sages. »

Personne ne prévoyait un discours tellement modéré. Si Saint-Just eût tenu sa parole au Comité, s’il lui eût lu son rapport, le Comité, indécis, mol lissant, entre deux dangers, se serait rapproché de lui, fût entré avec lui à la Convention, eût étonné l’Assemblée de ce rapprochement, et elle eût écouté Saint-Just. Il vint seul (il était midi). Tallien, Bourdon et quelques autres, frémissant d’audace et de peur, étaient dans les corridors, arrêtant et caressant leurs alliés du côté droit. Au troisième alinéa que lisait Saint-Just, Tallien entra et lui coupa la