Page:Michelet - OC, Histoire du dix-neuvième siècle, t. 1.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais quelles contradictions ! Jamais la France ne fut si attendrie que le lendemain de Thermidor. Une vive sensibilité éclate, et par les systèmes de fraternité sociale, et dans les sciences qui montrent (de l’homme jusqu’à l’animal) l’universelle parenté de la Nature. Dans l’art, une grâce touchante apparaît dans Prudhon. Il semble que le faux héroïsme et les comédies d’énergie se soient tous réfugiés dans les toiles de David.

Qui croirait qu’à ce moment même, la surprise d’un imbroglio violent, la vive entrée en scène d’un acteur étranger ravisse les spectateurs et les jette hors d’eux-mêmes ? Et ce n’est pas seulement la masse qui s’extasie devant Bonaparte. Les artistes, qui sont des enfants, battent des mains. « Quel bonheur ! changement à vue !… Quel merveilleux spectacle, inexplicable ! L’humanité tout à coup ne compte plus dans les affaires humaines. Quelle simplification sur le théâtre. Un seul acteur ! Ah ! voilà bien le spectacle classique, la vraie peinture d’histoire. » D’autres sentent, dans cette unité apparente, un terrible brouillamini, mais se gardent de l’éclaircir. Ils en ont la joie des enfants, la joie que l’enfant a du déménagement et de l’incendie. C’est superbe ! Il n’y comprend rien !

Aussi, bien loin de vouloir éclaircir cette grande complication, ils l’augmenteraient plutôt. De la confusion ils feraient volontiers une Babel encore plus discordante, ils veulent à tout prix le miracle.

Le miracle, c’est notre sottise et notre aveugle-