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non pas dans les extraits de Llorente, de Lamothe-Langon, etc., mais dans ce qu’on a des registres originaux de Toulouse. Lisez-les dans leur platitude, leur morne sécheresse, si effroyablement sauvage. Au bout de quelques pages, on se sent morfondu. Un froid cruel vous prend. La mort, la mort, la mort, c’est ce qu’on sent dans chaque ligne. Vous êtes déjà dans la bière, ou dans une petite loge de pierre aux murs moisis. Les plus heureux sont ceux qu’on tue. L’horreur, c’est l’in-pace. C’est ce mot qui revient sans cesse, comme une cloche d’abomination qu’on sonne et qu’on résonne, mot toujours le même : Emmurés.

Épouvantable mécanique d’écrasement, d’aplatissement, cruel pressoir à briser l’âme. De tour de vis en tour de vis, ne respirant plus et craquant, elle jaillit de la machine, et tomba au monde inconnu.

À son apparition, la Sorcière n’a ni père, ni mère, ni fils, ni époux, ni famille. C’est un monstre, un aérolithe, venu on ne sait d’où. Qui oserait ? grand Dieu ! en approcher ?

Où est-elle ? Aux lieux impossibles, dans la forêt des ronces, sur la lande, où l’épine, le chardon emmêlés, ne permettent pas le passage. La nuit, sous quelque vieux dolmen. Si on l’y trouve, elle est isolée par l’horreur commune ; elle a autour comme un cercle de feu.

Qui le croira pourtant ? C’est une femme encore. Même cette vie terrible presse et tend son ressort de femme, l’électricité féminine. La voilà douée de deux dons :

L’illuminisme de la folie lucide, qui, selon ses