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degrés, est poésie, seconde vue, pénétration perçante, la parole naïve et rusée, la faculté surtout de se croire en tous ses mensonges. Don ignoré du sorcier mâle. Avec lui, rien n’eût commencé.

De ce don un autre dérive, la sublime puissance de la conception solitaire, la parthénogenèse que nos physiologistes reconnaissent maintenant dans les femelles de nombreuses espèces pour la fécondité du corps, et qui n’est pas moins sûre pour les conceptions de l’esprit.


Seule, elle conçut et enfanta. Qui ? Une autre elle-même qui lui ressemble à s’y tromper.

Fils de haine, conçu de l’amour. Car sans l’amour, on ne crée rien. Celle-ci, tout effrayée qu’elle est de cet enfant, s’y retrouve si bien, se complaît tellement en cette idole, qu’elle la place à l’instant sur l’autel, l’honore, s’y immole, et se donne comme victime et vivante hostie. Elle-même bien souvent le dira à son juge : « Je ne crains qu’une chose : souffrir trop peu pour lui. » (Lancre.)

Savez-vous bien le début de l’enfant ? C’est un terrible éclat de rire. N’a-t-il pas sujet d’être gai, sur sa libre prairie, loin des cachots d’Espagne et des emmurés de Toulouse. Son in-pace n’est pas moins que le monde. Il va, vient, se promène. À lui la forêt sans limite ! à lui la lande des lointains horizons ! à lui toute la terre dans la rondeur de sa riche ceinture ! La sorcière lui dit tendrement : « Mon Robin », du nom de ce vaillant proscrit, le joyeux Robin Hood, qui vit sous la verte fouillée. Elle aime aussi