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teur de tortures qui traitait ainsi sa famille ? Nous le savons par le seul à qui l’on ait fait un procès, et si tard, au quinzième siècle : Gilles de Retz, l’enleveur d’enfants.

Le Front-de-Bœuf de Walter Scott, les seigneurs de mélodrames et de romans, sont de pauvres gens devant ces terribles réalités. Le Templier d’Ivanhoë est aussi une création faible et très artificielle. L’auteur n’a osé aborder la réalité immonde du célibat du Temple, et de celui qui régnait dans l’intérieur du château. On y recevait peu de femmes ; c’étaient des bouches inutiles. Les romans de chevalerie donnent très exactement le contraire de la vérité. On a remarqué que la littérature exprime souvent tout à fait l’envers des mœurs (exemple, le fade théâtre d’églogues à la Florian dans les années de la Terreur).

Les logements de ces châteaux, dans ceux qu’on peut voir encore, en disent plus que tous les livres. Hommes d’armes, pages, valets, entassés la nuit sous de basses voûtes, le jour retenus aux créneaux, aux terrasses étroites, dans le plus désolant ennui, ne respiraient, ne vivaient que dans leurs échappées d’en bas ; échappées non plus de guerres sur les terres voisines, mais de chasse, et de chasse à l’homme, je veux dire d’avanies sans nombre, d’outrages aux familles serves. Le seigneur savait bien lui-même qu’une telle masse d’hommes sans femmes ne pouvait être paisible qu’en les lâchant par moments.

La choquante idée d’un enfer où Dieu emploie des âmes scélérates, les plus coupables de toutes, à tor-