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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/392

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idées horribles, et tremblants dans le berceau ! La vierge pure, innocente, qui se sent damnée du plaisir que lui inflige l’Esprit. La femme, au lit conjugal, martyrisée de ses attaques, résistant, et cependant, par moments, le sentant en elle… Chose affreuse que connaissent ceux qui ont le ténia. Se sentir une vie double, distinguer les mouvements du monstre, parfois agité, parfois d’une molle douceur, onduleuse, qui trouble encore plus, qui ferait croire qu’on est en mer ! Alors, on court éperdu, ayant horreur de soi-même, voulant s’échapper, mourir…

Même aux moments on le démon ne sévissait pas contre elle, la femme qui commençait à être envahie de lui errait accablée de mélancolie. Car, désormais, nul remède. Il entrait invinciblement, comme une fumée immonde. Il est le prince des airs, des tempêtes, et, tout autant, des tempêtes intérieures. C’est ce qu’on voit exprimé grossièrement, énergiquement, sous le portail de Strasbourg. En tête du chœur des Vierges folles, leur chef, la femme scélérate qui les entraîne à l’abîme, est pleine, gonflée du démon, qui regorge ignoblement et lui sort de dessous ses jupes en noir flot d’épaisse fumée.

Ce gonflement est un trait cruel de la possession ; c’est un supplice et un orgueil. Elle porte son ventre en avant, l’orgueilleuse de Strasbourg, renverse sa tête en arrière. Elle triomphe de sa plénitude, se réjouit d’être un monstre.

Elle ne l’est pas encore, la femme que nous suivons. Mais elle est gonflée déjà de lui et de sa superbe, de sa fortune nouvelle. La terre ne la porte pas. Grasse et belle, avec tout cela, elle va par