Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/393

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la rue, tête haute, impitoyable de dédain. On a peur, on hait, on admire.

Notre dame de village dit, d’attitude et de regard : « Je devrais être la Dame !… Et que fait-elle là-haut, l’impudique, la paresseuse, au milieu de tous ces hommes, pendant l’absence du mari ? » La rivalité s’établit. Le village, qui la déteste, en est fier. « Si la châtelaine est baronne, celle-ci est reine… plus que reine, on n’ose dire quoi… » Beauté terrible et fantastique, cruelle d’orgueil et de douleur. Le démon même est dans ses yeux.


Il l’a et ne l’a pas encore. Elle est elle, et se maintient elle. Elle n’est du démon ni de Dieu le démon peut bien l’envahir, y circuler en air subtil. Et il n’a encore rien du tout. Car il n’a pas la volonté. Elle est possédée, endiablée, et elle n’appartient pas au Diable. Parfois il exerce sur elle d’horribles sévices, et n’en tire rien. Il lui met au sein, au ventre, aux entrailles, un charbon de feu. Elle se cabre, elle se tord, et dit cependant encore : « Non, bourreau, je resterai moi. »

« — Gare à toi ! je te cinglerai d’un si cruel fouet de vipère, je te couperai d’un tel coup, qu’après tu iras pleurant et perçant l’air de tes cris. »

La nuit suivante, il ne vient pas. Au matin (c’est le dimanche), l’homme est monté au château. Il en descend tout défait. Le seigneur a dit : « Un ruisseau qui va goutte à goutte ne fait pas tourner le moulin… Tu m’apportes sou à sou, ce qui ne me sert à rien… Je vais partir dans quinze jours. Le roi marche vers