Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/409

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plète en elle, portant tout, fleurs et semences. Ressemble-lui. Sois ta racine, et, dans le tourbillon même, tu porteras fleurs encore, nos fleurs à nous, comme il en vient de la poudre des sépulcres et des cendres des volcans.

« La première fleur de Satan, je te la donne aujourd’hui pour que tu saches mon premier nom, mon antique pouvoir. Je fus, je suis le roi des morts… Oh ! qu’on m’a calomnié !… Moi seul (ce bienfait immense me méritait des autels), moi seul, je les fais revenir… »


Pénétrer l’avenir, évoquer le passé, devancer, rappeler le temps qui va si vite, étendre le présent de ce qui fut et de ce qui sera, voilà deux choses proscrites au Moyen-âge. En vain. Nature ici est invincible ; on n’y gagnera rien. Qui pèche ainsi est homme. Il ne le serait pas, celui qui resterait fixé sur son sillon, l’œil baissé, le regard borné au pas qu’il fait derrière ses bœufs. Non, nous irons toujours visant plus haut, plus loin et plus au fond. Cette terre, nous la mesurons péniblement, mais la frappons du pied, et lui disons toujours : « Qu’as-tu dans tes entrailles ? Quels secrets ? quels mystères ? Tu nous rends bien le grain que nous te confions. Mais tu ne nous rends pas cette semence humaine, ces morts aimés que nous t’avons prêtés. Ne germeront-ils pas, nos amis, nos amours, que nous avions mis là ? Si du moins pour une heure, un moment, ils venaient à nous ! »

Nous serons bientôt de la terra incognita où déjà