Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/413

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pour chercher un de ses moutons ? eh bien, elle est revenue folle… Je n’irai pas. »

En se cachant les uns des autres, beaucoup y vont, des hommes. À peine encore les femmes osent se hasarder. Elles regardent le dangereux chemin, s’enquièrent près de ceux qui en reviennent. La pythonisse n’est pas celle d’Endor, qui, pour Saül, évoqua Samuel ; elle ne montre pas les ombres, mais elle donne les mots cabalistiques et les puissants breuvages qui les feront revoir en songe. Ah ! que de douleurs vont à elles ! La grand-mère elle-même, vacillante, à quatre-vingts ans, voudrait revoir son petit-fils. Par un suprême effort, non sans remords de pécher au bord de la tombe, elle s’y traîne. L’aspect du lieu sauvage, âpre, d’ifs, et de ronces, la rude et noire beauté de l’implacable Proserpine, la trouble. Prosternée et tremblante, appliquée à la terre, la pauvre vieille pleure et prie. Nulle réponse. Mais quand elle ose se relever un peu, elle voit que l’enfer a pleuré.


Retour tout simple de nature. Proserpine en rougit. Elle s’en veut. « Âme dégénérée, se dit-elle, âme faible ! Toi qui venais ici dans le ferme désir de ne faire que du mal… Est-ce la leçon du maître ? Oh ! qu’il rira !

« — Mais, non ! Ne suis-je pas le grand pasteur des ombres, pour les faire aller et venir, leur ouvrir la porte des songes ? Ton Dante, en faisant mon portrait, oublie mes attributs. En m’ajoutant cette queue inutile, il omet que je tiens la verge pastorale