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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/419

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chose le fait ébranler. Non les coups bruyants du dehors ; mais je ne sais quoi de doux qui est dans les fondements, qui travaille ce cristal d’un insensible dégel. Quel ? l’humble flot des tièdes larmes qu’un monde a versées, une mer de pleurs. Quelle ? une haleine d’avenir, la puissante, l’invincible résurrection de la vie naturelle. Le fantastique édifice dont plus d’un pan déjà croule, se dit, mais non sans terreur : « C’est le souffle de Satan. »

Tel un glacier de l’Hécla sur un volcan qui n’a pas besoin de faire éruption, foyer tiède, lent, clément qui la caresse en dessous, l’appelle à lui et lui dit tout bas : « Descends. »


La sorcière a de quoi rire, si, dans l’ombre, elle voit là-bas, dans la brillante lumière, combien Dante, saint Thomas, ignorent la situation. Ils se figurent que Satan fait son chemin par l’horreur ou par la subtilité. Ils le font grotesque et grossier ; comme à son âge d’enfance, lorsque Jésus pouvait encore le faire, entrer dans les pourceaux. Ou bien ils le font subtil, un logicien scolastique, un juriste épilogueur. S’il n’eût été que cela, ou la bête, ou le disputeur, s’il n’avait eu que la fange, ou les distinguo du vide, il fût mort bientôt de faim.

On triomphe trop à l’aise quand on le montre dans Bartole, plaidant contre la Femme (la Vierge), qui le fait débouler, condamner avec dépens. Il se trouve qu’alors sur la terre, c’est justement le contraire qui arrive. Par un coup suprême, il gagne la plaideuse même, la Femme, sa belle adversaire, la