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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/427

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faim, la langueur et la pauvreté du sang, cette étisie qu’on admire dans la sculpture de ce temps-là. Le sang était de l’eau claire ; les maladies scrofuleuses devaient être universelles. Sauf le médecin arabe ou juif, chèrement payé par les rois, la médecine ne se faisait qu’à la porte des églises, au bénitier. Le dimanche, après l’office, il y avait force malades ; ils demandaient des secours, et on leur donnait des mots : « Vous avez péché, et Dieu vous afflige. Remerciez ; c’est autant de moins sur les peines de l’autre vie. Résignez-vous, souffrez, mourez. L’Église a ses prières des morts. » Faibles, languissants, sans espoir, ni envie de vivre, ils suivaient très bien ce conseil et laissaient aller la vie.

Fatal découragement, misérable état qui dut indéfiniment prolonger ces âges de plomb, et leur fermer le progrès. Le pis, c’est de se résigner si aisément, d’accepter la mort si docilement, de ne pouvoir rien, ne désirer rien. Mieux valait la nouvelle époque, cette fin du Moyen-âge, qui, au prix d’atroces douleurs, nous donne le premier moyen de rentrer dans l’activité : la résurrection du désir.


Quelques Arabes prétendent que l’immense éruption des maladies de la peau qui signale le treizième siècle, fut l’effet des stimulants par lesquels on cherchait alors à réveiller, raviver les défaillances de l’amour. Nul doute que les épices brûlantes, apportées d’Orient, n’y aient été pour quelque chose. La distillation naissante et certaines boissons fermentées purent aussi avoir action.