Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/433

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De la douce-amère, trop faible, on montait aux morelles noires, qui ont un peu plus d’action. Cela calmait quelques jours. Puis la femme revenait pleurer : « Eh bien, ce soir, tu reviendras… Je te chercherai quelque chose. Tu le veux. C’est un grand poison. »


La sorcière risquait beaucoup. Personne alors ne pensait qu’appliqués extérieurement, ou pris à très faible dose, les poisons sont des remèdes. Les plantes que l’on confondait sous le nom d’herbes aux sorcières semblaient des ministres de mort. Telles qu’on eût trouvées dans ses mains, l’auraient fait croire empoisonneuse ou fabricatrice de charmes maudits. Une foule aveugle, cruelle en proportion de sa peur, pouvait, un matin, l’assommer à coups de pierres, lui faire subir l’épreuve de l’eau (la noyade). Ou enfin, chose plus terrible, on pouvait, la corde au cou, la traîner à la cour de l’église, qui en eût fait une pieuse fête, eût édifie le peuple en la jetant au bûcher.

Elle se hasarde pourtant, va chercher la terrible plante ; elle y va au soir, au matin, quand elle a moins peur d’être rencontrée. Pourtant, un petit berger était là, le dit au village : « Si vous l’aviez vue comme moi, se glisser dans les décombres de la masure ruinée, regarder de tous côtés, marmotter je ne sais quoi !… Oh ! elle m’a fait bien peur… Si elle m’avait trouvé, j’étais perdu… Elle eût pu me transformer en lézard, en crapaud, en chauve-souris… Elle a pris une vilaine herbe, la plus vilaine