Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/435

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Comment y arriva-t-on ? Sans doute par l’effet si simple du grand principe satanique que tout doit se faire à rebours, exactement à l’envers de ce que fait le monde sacré. Celui-ci avait l’horreur des poisons. Satan les emploie, et il en fait des remèdes. L’Église croit par des moyens spirituels (sacrements, prières) agir même sur les corps ; Satan, au rebours, emploie des moyens matériels pour agir même sur l’âme ; il fait boire l’oubli, l’amour, la rêverie, toute passion. Aux bénédictions du prêtre il oppose des passes magnétiques, par de douces mains de femmes, qui endorment les douleurs.


Par un changement de régime, et surtout de vêtement (sans doute en substituant la toile à la laine), les maladies de la peau perdirent de leur intensité. La lèpre diminua, mais elle sembla rentrer et produire des maux plus profonds. Le quatorzième siècle oscilla entre trois fléaux, l’agitation épileptique, la peste, les ulcérations qui (à en croire Paracelse) préparaient la syphilis.

Le premier danger n’était pas le moins grand. Il éclata, vers 1350, d’une effrayante manière par la danse de Saint-Guy, avec cette singularité qu’elle n’était pas individuelle ; les malades, comme emportés d’un même courant galvanique, se saisissaient par la main, formaient des chaînes immenses, tournaient, tournaient, à mourir. Les regardants riaient d’abord, puis, par une contagion, se laissaient aller, tombaient dans le grand courant, augmentaient le terrible chœur.