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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/436

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Que serait-il arrivé si le mal eût persisté, comme fit longtemps la lèpre dans sa décadence même ?

C’était comme un premier pas, un acheminement vers l’épilepsie. Si cette génération de malades n’eût été guérie, elle en eût produit une autre décidément épileptique. Effroyable perspective ! L’Europe couverte de fous, de furieux, d’idiots ! On ne dit point comment ce mal fut traité, et s’arrêta. Le remède qu’on recommandait, l’expédient de tomber sur ces danseurs à coups de pied et de poing, était infiniment propre à aggraver l’agitation et la faire aboutir à l’épilepsie véritable. Il y eut, sans nul doute, un autre remède, dont on ne voulut pas parler. Dans le temps où la sorcellerie prend son grand essor, l’immense emploi des Solanées, surtout de la belladone, généralisa le médicament qui combat ces affections. Aux grandes réunions populaires du sabbat dont nous parlerons, l’herbe aux sorcières, mêlée à l’hydromel, à la bière, aussi au cidre[1], au poiré (les puissantes boissons de l’Ouest), mettait la foule en danse, une danse luxurieuse, mais point du tout épileptique.


Mais la grande révolution que font les sorcières, le plus grand pas à rebours contre l’esprit du Moyen-âge, c’est ce qu’on pourrait appeler la réhabilitation du ventre et des fonctions digestives. Elles professèrent hardiment : « Rien d’impur et rien d’immonde. » L’étude de la matière fut dès

  1. Alors tout nouveau. Il commence au douzième siècle.