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dame et de s’en venger peut-être, le plaisir de rendre au seigneur ce qu’il fait à ses vassales, de prélever chez lui-même, par l’audace d’un enfant, le droit outrageant d’épousailles. Nul doute que, dans ces intrigues où la sorcière avait son rôle, elle n’ait souvent porté un fond de haine niveleuse, naturelle au paysan.

C’était déjà quelque chose de faire, descendre la Dame à l’amour d’un domestique. Jean de Saintré, Chérubin, ne doivent pas faire illusion. Le jeune serviteur remplissait les plus basses fonctions de la domesticité. Le valet proprement dit n’existe pas alors, et d’autre part peu ou point de femmes de service dans les places de guerre. Tout se fait par ces jeunes mains qui n’en sont pas dégradées. Le service, surtout corporel, du seigneur et de la dame, honore et relève. Néanmoins il mettait souvent le noble enfant en certaines situations assez tristes, prosaïques, je n’oserais dire risibles. Le seigneur ne s’en gênait pas. La Dame avait bien besoin d’être fascinée par le diable pour ne pas voir ce qu’elle voyait chaque jour, le bien-aimé en œuvre malpropre et servile.


C’est le fait du Moyen-âge de mettre toujours en face le très haut et le très bas. Ce que nous cachent les poèmes, on peut l’entrevoir ailleurs. Dans ses passions éthérées, beaucoup de choses grossières sont mêlées visiblement.

Tout ce qu’on sait des charmes et philtres que les sorcières employaient est très fantasque, et, ce