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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/454

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quand l’Église à deux têtes ne parait plus l’Église, quand toute la noblesse et le roi, honteusement prisonniers des Anglais, exterminent le peuple pour lui extorquer leur rançon. Les sabbats ont alors la forme grandiose et terrible de la Messe noire, de l’office à l’envers, où Jésus est défié, prié de foudroyer, s’il peut. Ce drame diabolique eût été impossible encore au treizième siècle, où il eût fait horreur. Et, plus tard, au quinzième où tout était usé et jusqu’à la douleur, un tel jet n’aurait pas jailli. On n’aurait pas osé cette création monstrueuse. Elle appartient au siècle de Dante.


Cela, je crois, se fit d’un jet ; ce fut l’explosion d’une furie de génie, qui monta l’impiété à la hauteur des colères populaires. Pour comprendre ce qu’elles étaient, ces colères, il faut se rappeler que ce peuple, élevé par le clergé lui-même dans la croyance et la foi du miracle, bien loin d’imaginer la fixité des lois de Dieu, avait attendu, espéré un miracle pendant des siècles, et jamais il n’était venu. Il l’appelait en vain, au jour désespéré de sa nécessité suprême. Le ciel dès lors lui parut comme l’allié de ses bourreaux féroces, et lui-même féroce bourreau.

De là la Messe noire et la Jacquerie.


Dans ce cadre élastique de la Messe noire purent se placer ensuite mille variantes de détail ; mais il est fortement construit, et, je crois, fait d’une pièce.