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épouse ou non, vieille, jeune, il faut une femme.

Quelles boissons circulaient ? hydromel ? bière ? vin ? Le cidre capiteux ou le poiré ? (Tous deux ont commencé au douzième siècle.)

Les breuvages d’illusion, avec leur dangereux mélange de belladone, paraissaient ils déjà à cette table ? Non pas certainement. Les enfants y étaient. D’ailleurs, l’excès du trouble eût empêché la danse.

Celle-ci, danse tournoyante, la fameuse ronde du Sabbat, suffisait bien pour compléter ce premier degré de l’ivresse. Ils tournaient dos à dos, les bras en arrière, sans se voir ; mais souvent les dos se touchaient. Personne peu à peu ne se connaissait bien, ni celle qu’il avait à côté. La vieille alors n’était plus vieille. Miracle de Satan. Elle était femme encore, et désirable, confusément aimée.


Deuxième Acte. — Au moment où la foule, unie dans ce vertige, se sentait un seul corps, et par l’attrait des femmes, et par je ne sais quelle vague émotion de fraternité, on reprenait l’office au Gloria. L’autel, l’hostie apparaissait. Quels ? La Femme elle-même. De son corps prosterné, de sa personne humiliée, de la vaste soie noire de ses cheveux, perdus dans la poussière, elle (l’orgueilleuse Proserpine) elle s’offrait. Sur ses reins, un démon, officiait, disait le Credo, faisait l’offrande[1].

  1. Ce point si grave que la femme était autel elle-même, et qu’on officiait sur elle, nous est connu par le procès de la Voisin, que M. Ravaisson aîné a publié avec les autres Papiers de la Bastille. Dans ces imitations, récentes, il est vrai, du Sabbat, qu’on fit pour amuser les grands seigneurs de