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Cela fut plus tard immodeste. Mais alors, dans les calamités du quatorzième siècle, aux temps terribles de la Peste noire et de tant de famines, aux temps de la Jacquerie et des brigandages exécrables des Grandes-Compagnies, — pour ce peuple en danger, l’effet était plus que sérieux. L’assemblée tout entière avait beaucoup à craindre si elle était surprise. La sorcière risquait extrêmement, et vraiment, dans cet acte audacieux, elle donnait sa vie. Bien plus, elle affrontait un enfer de douleurs, de telles tortures, qu’on ose à peine les dire. Tenaillée et rompue, les mamelles arrachées, la peau lentement écorchée (comme on le fit à l’évêque sorcier de Cahors), brûlée à petit feu de braise, et membre à membre, elle pouvait avoir une éternité d’agonie.

Tous, à coup sûr, étaient émus quand, sur la créature dévouée, humiliée, qui se donnait, on faisait la prière, et l’offrande pour la récolte. On présentait du blé à l’Esprit de la terre qui fait pousser le blé. Des oiseaux envolés (du sein de la Femme sans doute) portaient au Dieu de liberté le soupir et le vœu des serfs. Que demandaient-ils ? Que nous autres, leurs descendants lointains, nous fussions affranchis[1].

Quelle hostie distribuait-elle ? Non l’hostie de risée, qu’on verra aux temps d’Henri IV, mais,

    la cour de Louis XIV, en reproduisit sans nul doute les formes antiques et classiques du sabbat primitif, même en tel point qui avait pu être abandonné dans les temps intermédiaires.

  1. Cette offrande charmante du blé et des oiseaux est particulière à la France. (Jaquier, Flagellans, 51. Soldan, 225.) En Lorraine et sans doute Allemagne, on offrait des bêtes noires : le chat noir, le bouc noir, le taureau noir.