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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/462

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vraisemblablement, cette confarreatio que nous avons vue dans les philtres, l’hostie d’amour, un gâteau cuit sur elle, sur la victime qui demain pouvait elle-même passer par le feu. C’était sa vie, sa mort, que l’on mangeait. On y sentait déjà sa chair brûlée.


En dernier lieu, on déposait sur elle deux offrandes qui semblaient de chair, deux simulacres : celui du dernier mort de la commune, celui du dernier né. Ils participaient au mérite de la femme autel et hostie, et l’assemblée (fictivement) communiait de l’un et de l’autre. — Triple hostie, toute humaine. Sous l’ombre vague de Satan, le peuple n’adorait que le peuple.

C’était là le vrai sacrifice. Il était accompli. La Femme, s’étant donnée à manger à la foule, avait fini son œuvre. Elle se relevait, mais ne quittait la place qu’après avoir fièrement posé et comme constaté la légitimité de tout cela par l’appel à la foudre, un défi provoquant au Dieu destitué.

En dérision des mots : Agnus Dei, etc., et de la rupture de l’hostie chrétienne, elle se faisait apporter un crapaud habillé et le mettait en pièces. Elle roulait ses yeux effroyablement, les tournait vers le ciel, et, décapitant le crapaud, elle disait ces mots singuliers : Ah ! Philippe[1], si je te tenais, je t’en ferais autant ! »

  1. Lancre, 136. Pourquoi ce nom Philippe, je n’en sais rien. Il reste d’autant plus obscur qu’ailleurs, lorsque Satan nomme Jésus, il l’appelle le petit Jean, ou Janicot. Le nommerait-elle ici Philippe, du nom odieux