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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/465

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Les seules descriptions détaillées que l’on ait sont, je l’ai dit, modernes, d’un temps de paix et de bonheur, des dernières années d’Henri IV, où la France refleurissait. Années prospères, luxurieuses, tout à fait différentes de l’âge noir, où s’organisa le sabbat.

Il ne tient pas à M. de Lancre et autres que nous ne nous figurions le troisième acte comme la kermesse de Rubens, une orgie très confuse, un grand bal travesti qui permettrait toute union, surtout entre proches parents. Selon ces auteurs qui ne veulent qu’inspirer l’horreur, faire frémir, le but principal du sabbat, la leçon, la doctrine expresse de Satan, c’est l’inceste, et, dans ces grandes assemblées (parfois de douze mille âmes), les actes les plus monstrueux eussent été commis devant tout le monde.

Cela est difficile à croire. Les mêmes auteurs disent d’autres choses qui semblent fort contraires à un tel cynisme. Ils disent qu’on n’y venait que par couples, qu’on ne siégeait au banquet que deux à deux, que même, s’il arrivait une personne isolée, on lui déléguait un jeune démon pour la conduire, lui faire les honneurs de la fête. Ils disent que des amants jaloux ne craignaient pas d’y venir, d’y amener les belles curieuses.

On voit aussi que la masse venait par familles, avec les enfants. On ne les renvoyait que pour le premier acte, non pour le banquet ni l’office, et non même pour ce troisième acte. Cela prouve qu’il y avait une certaine décence. Au reste, la scène était double. Les groupes de familles restaient sur la lande bien éclairés. Ce n’était qu’au delà du