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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/467

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villages, aux fêtes, se battaient sans savoir pourquoi (cela se voit encore dans les pays tant soit peu écartés) ; on n’osait guère aller chercher femme au lieu même où l’on s’était battu, où l’on eût été en danger.

Autre difficulté. Le seigneur du jeune serf ne lui permettait pas de se marier dans la seigneurie d’à côté. Il fût devenu serf du seigneur de sa femme, eût été perdu pour le sien.

Ainsi le prêtre défendait la cousine, le seigneur l’étrangère. Beaucoup ne se mariaient pas.

Cela produisait justement ce qu’on prétendait éviter. Au Sabbat éclataient les attractions naturelles. Le jeune homme retrouvait là celle qu’il connaissait, aimait d’avance, celle dont à dix ans on l’appelait le petit mari. Il la préférait à coup sûr, et se souvenait peu des empêchements canoniques.

Quand on connaît bien la famille du Moyen-âge, on ne croit point du tout à ces imputations déclamatoires d’une vaste promiscuité qui eût mêlé une foule. Tout au contraire, on sent que chaque petit groupe, serré et concentré, est infiniment loin d’admettre l’étranger.

Le serf, peu jaloux (pour ses proches), mais si pauvre, si misérable, craint excessivement d’empirer son sort en multipliant des enfants qu’il ne pourra nourrir. Le prêtre, le seigneur, voudraient qu’on augmentât leurs serfs, que la femme fût toujours enceinte, et les prédications les plus étranges se faisaient à ce sujet[1] ; parfois des

  1. Fort récemment encore, mon spirituel ami, M. Génin, avait recueilli les plus curieux renseignements là-dessus.