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reproches sanglants et des menaces. D’autant plus obstinée était la prudence de l’homme. La femme, pauvre créature qui ne pouvait avoir d’enfants viables dans de telles conditions, qui n’enfantait que pour pleurer, avait la terreur des grossesses. Elle ne se hasardait à la fête nocturne que sur cette expresse assurance qu’on disait, répétait : « Jamais femme n’en revint enceinte[1]. »

Elles venaient, attirées à la fête par le banquet, la danse, les lumières, l’amusement, nullement par le plaisir charnel. Les unes n’y trouvaient que souffrance. Les autres détestaient la purification glacée qui suivait brusquement l’amour pour le rendre stérile. N’importe. Elles acceptaient tout, plutôt que d’aggraver leur indigence, de faire un malheureux, de donner un serf au seigneur.

Forte conjuration, entente très fidèle, qui resserrait l’amour dans la famille, excluait l’étranger. On ne se fiait qu’aux parents unis dans un même servage, qui, partageant les mêmes charges, n’avaient garde de les augmenter.

Ainsi, nul entraînement général, point de chaos confus du peuple. Tout au contraire, des groupes serrés et exclusifs. C’est ce qui devait rendre le Sabbat impuissant comme révolte. Il ne mêlait nullement la foule. La famille, attentive à la stérilité, l’assurait en se concentrant en elle-même dans l’amour des très proches, c’est-à-dire des

  1. Boguet, Lancre, tous les auteurs sont d’accord sur ce point. Rude contradiction de Satan, mais tout à fait selon le vœu du serf, du paysan, du pauvre. Satan fait germer la moisson, mais il rend la femme inféconde. Beaucoup de blé et point d’enfant.