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intéressés. Arrangement triste, froid, impur. Les moments les plus doux en étaient assombris, souillés. Hélas ! jusqu’à l’amour, tout était misère et révolte.


Cette société a été cruelle. L’autorité disait : « Mariez-vous. » Mais elle rendait cela très difficile, et par l’excès de la misère, et par cette rigueur insensée des empêchements canoniques.

L’effet était exactement contraire à la pureté que l’on prêchait. Sous apparence chrétienne, le patriarcat de l’Asie existait seul.

L’aîné seul se mariait. Les frères cadets, les sœurs, travaillaient sous lui et pour lui[1]. Dans les fermes isolées des montagnes du Midi, loin de tout voisinage et de toute femme, les frères vivaient avec leurs sœurs, qui étaient leurs servantes et leur appartenaient en toute chose. Mœurs analogues à celles de la Genèse, aux mariages des Parsis, aux usages toujours subsistants de certaines tribus pastorales de l’Himalaya.

Ce qui était plus choquant encore, c’était le sort de la mère. Elle ne mariait pas son fils, ne pouvait l’unir à une parente, s’assurer d’une bru qui eût eu des égards pour elle. Son fils se mariait (s’il le pouvait) à une fille d’un village éloigne, souvent hostile, dont l’invasion était terrible, soit aux enfants du premier lit, soit à la pauvre mère, que

  1. Chose très générale dans l’ancienne France, me disait le savant et exact M. Monteil.