Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enfant, elle salissait tout. Grandelette, jolie, elle étonne de malpropreté. Par elle, la sorcellerie sera je ne sais quelle cuisine de je ne sais quelle chimie. De bonne heure, elle manipule surtout les choses répugnantes, les drogues aujourd’hui, demain les intrigues. C’est là son élément, les amours et les maladies. Elle sera fine entremetteuse, habile, audacieuse empirique. On lui fera la guerre pour de prétendus meurtres, pour l’emploi des poisons. Elle a peu l’instinct de telles choses, peu le goût de la mort. Sans bonté, elle aime la vie, à guérir, prolonger la vie. Elle est dangereuse en deux sens : elle vendra des recettes de stérilité, d’avortement peut-être. D’autre part, effrénée, libertine d’imagination, elle aidera volontiers à la chute des femmes par ses damnés breuvages, jouira des crimes d’amour.

Oh ! que celle-ci diffère de l’autre ! C’est un industriel. L’autre fut l’Impie, le Démon ; elle fut la grande Révolte, la femme de Satan, et, on peut dire, sa mère. Car il a grandi d’elle et de sa puissance intérieure. Mais celle-ci est tout au plus la fille du Diable. Elle a de lui deux choses, elle est impure, et elle aime à manipuler la vie. C’est son lot ; elle y est artiste, — déjà artiste à vendre, et nous entrons dans le métier.


On dit qu’elle se perpétuera par l’inceste dont elle est née. Mais elle n’en a pas besoin. Sans mâle, elle fera d’innombrables petits. En moins de cinquante ans, au début du quinzième siècle, sous Charles VI, une contagion immense s’étend. Quiconque croit