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avoir quelques secrets, quelques recettes, quiconque croit deviner, quiconque rêve et voyage en rêvant, se dit favori de Satan. Toute femme lunatique prend pour elle ce grand nom : Sorcière.

Nom périlleux, nom lucratif, lancé par la haine du peuple, qui, tour à tour, injurie et implore la puissance inconnue. Il n’en est pas moins accepté, revendiqué souvent. Aux enfants qui la suivent, aux femmes qui menacent du poing, lui jettent ce mot comme une pierre, elle se retourne, et dit avec orgueil : « C’est vrai ! vous l’avez dit ! »

Le métier devient bon, et les hommes s’en mêlent. Nouvelle chute pour l’art. La moindre des sorcières a cependant encore un peu de la sibylle. Ceux-ci, sordides charlatans, jongleurs grossiers, taupiers, tueurs de rats, jetant des sorts aux bêtes, vendant les secrets qu’ils n’ont pas, empuantissent ce temps de sombre fumée noire, de peur, et de bêtise. Satan devient immense, immensément multiplié. Pauvre triomphe ! Il est ennuyeux, plat. Le peuple afflue pourtant à lui, ne veut guère d’autre Dieu. C’est lui qui se manque à lui-même.


Le quinzième siècle, malgré deux ou trois grandes inventions, n’en est pas moins, je crois, un siècle fatigué, de peu d’idées.

Il commence très dignement par le Sabbat royal de Saint-Denis, le bal effréné et lugubre que Charles VI fit dans cette abbaye pour l’enterrement de Duguesclin, enterré depuis tant d’années. Trois jours, trois nuits. Sodome se roula sur les tombes. Le fou, qui