Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/501

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comme fou un sorcier qu’on lui présente. Nulle condamnation sous Charles VIII, Louis XII, François Ier.


Tout au contraire, l’Espagne, sous la pieuse Isabelle (1506), sous le cardinal Ximénès, commence à brider les sorcières. Genève, alors sous son évêque (1515), en brûla cinq cents en trois mois. L’empereur Charles-Quint, dans ses constitutions allemandes, veut en vain établir que « la sorcellerie, causant dommage aux biens et aux personnes, est une affaire civile (non ecclésiastique). » En vain il supprime la confiscation (sauf le cas de lèse-majesté). Les petits princes-évêques, dont la sorcellerie fait un des meilleurs revenus, continuent de brûler en furieux. L’imperceptible évêché de Bamberg, en un moment, brûle six cents personnes, et celui de Wurtzbourg neuf cents ! Le procédé est simple. Employer tout d’abord la torture contre les témoins, créer des témoins à charge par la douleur, l’effroi. Tirer de l’accusé, par l’excès des souffrances, un aveu, et croire cet aveu contre l’évidence des faits. Exemple : Une sorcière avoue avoir tiré du cimetière le corps d’un enfant mort récemment, pour user de ce corps dans ses compositions magiques. Son mari dit : « Allez au cimetière. L’enfant y est. » On le déterre, on le retrouve justement dans sa bière. Mais le juge décide, contre le témoignage de ses yeux, que c’est une apparence, une illusion du diable. Il préfère l’aveu de la femme au fait lui-même. Elle est brûlée[1].

  1. Voy. Soldan pour ce fait et pour tout ce qui regarde l’Allemagne.