Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brûler. Il écrit bien ; il est beaucoup plus clair que tous les autres. Et cependant on démêle chez lui une cause nouvelle d’obscurité, inhérente à l’époque. C’est que, dans un si grand nombre de sorcières, que le juge ne peut brûler toutes, la plupart sentent finement qu’il sera indulgent pour celles qui entreront le mieux dans sa pensée et dans sa passion. Quelle passion ? D’abord, une passion populaire, l’amour du merveilleux horrible, le plaisir d’avoir peur, et aussi, s’il faut le dire, l’amusement des choses indécentes. Ajoutez une affaire de vanité : plus ces femmes habiles montrent le Diable terrible et furieux, plus le juge est flatté de dompter un tel adversaire. Il se drape dans sa victoire, trône dans sa sottise, triomphe de ce fou bavardage.

La plus belle pièce, en ce genre, est le procès-verbal espagnol de l’auto-da-fé de Logroño (9 novembre 1610), qu’on lit dans Llorente. Lancre, qui le cite avec jalousie et voudrait le déprécier, avoue le charme infini de la fête, la splendeur du spectacle, l’effet profond de la musique. Sur un échafaud étaient les brûlées, en petit nombre, et, sur un autre, la foule des relâchées. L’héroïne repentante, dont on lut la confession, a tout osé. Rien de plus fou. Au Sabbat, on mange des enfants en hachis, et pour second plat, des corps de sorciers déterrés. Les crapauds dansent, parlent, se plaignent amoureusement de leurs maîtresses, les font gronder par le Diable. Celui-ci reconduit poliment les sorcières, en les éclairant avec le bras d’un enfant mort sans baptême, etc.

La sorcellerie, chez nos Basques, avait l’aspect